Infections ostéo-articulaires à Staphylococcus aureus et Staphylococcus epidermidis : épidémiologie clinique et moléculaire, corrélation entre expression clinique et interaction staphylocoques – ostéoblastes

Le genre Staphylococcus, première étiologie des infections ostéo-articulaires (IOA), est associé à des formes particulièrement difficiles à traiter. Trois mécanismes phénotypiques ont été rattachés à ce fort taux de chronicité et de rechutes, permettant l’adaptation bactérienne à la vie au sein du tissu osseux et un échappement au système immunitaire de l’hôte et à l’action des antibiotiques : la formation de biofilm, la persistance des staphylocoques dans les ostéoblastes, et l’évolution vers le morphotype de small colony variant (SCV). Longtemps considéré comme simple commensal cutanéo-muqueux, S. epidermidis est désormais reconnu comme un agent étiologique majeur des IOA sur matériel. Or, si le portage est universel, l’infection est un phénomène rare. A ce jour, aucun facteur génotypique n’a pu être associé au pouvoir invasif de certaines souches de portage. Notre travail a permis de montrer l’absence de pouvoir discriminant des capacités d’internalisation des ostéoblastes et de formation de biofilm entre souches commensales et invasives. Par ailleurs, un très faible taux d’internalisation de S. epidermidis dans les ostéoblastes a été mis en évidence, suggérant une importance moindre de ce mécanisme dans la physiopathologie des IOA à S. epidermidis par rapport aux IOA à S. aureus. Les principales études ayant porté sur les capacités d’interaction de S. aureus avec les ostéoblastes et de formation de biofilm ont cherché à en explorer les mécanismes à partir de souches de laboratoire ou de souches représentatives de quelques clones de S. aureus résistants à la méticilline (SARM). Dans notre cas, nous avons souhaité étudier une large collection de souches cliniques de S. aureus (n=95) sensible à la méticilline (SASM) responsables d’IOA aiguës ou chroniques. La caractérisation des fonds génétiques de cette collection, puis en élargissant notre étude à des collections de différents villes françaises, a d’abord permis de décrire une forte prévalence du clone émergent de SASM CC398 dans les IOA en France. L’étude des souches de la collection des Hospices Civils de Lyon dans notre modèle ex vivo d’infection d’ostéoblastes a permis de valider l’hypothèse impliquant l’internalisation de S. aureus dans les cellules osseuses dans la chronicisation des IOA. Le switch intra-cellulaire vers le phénotype SCV et la formation de biofilm n’étaient en revanche pas discriminants. Un autre résultat important est la mise en évidence d’une corrélation entre la dysfonction du système agr, principal régulateur de l’expression des facteurs de virulence staphylococciques, et la chronicité des IOA, en lien avec de plus fortes capacités d’internalisation et de formation de biofilm. La fonctionnalité d’agr pouvant être évaluée par la détection en spectrométrie de masse de la delta-hémolysine, produit de la traduction de l’ARNIII, effecteur du système agr, cette technique pourrait ainsi représenter la première méthode objective d’évaluation du degré de chronicité d’une IOA au moment du diagnostic, et donc avoir un impact majeur sur la prise en charge des patients. Une étude prospective est actuellement en cours pour valider ce marqueur de chronicité. Enfin, la démonstration de la pertinence clinique de l’internalisation de S. aureus au sein des ostéoblastes dans les IOA chroniques nous a conduit à étudier l’action intra-ostéoblastique des anti-staphylococciques. En effet, l’identification et l’utilisation de molécules actives sur le réservoir intra-cellulaire pourrait permettre d’optimiser les schémas thérapeutiques afin de prévenir l’apparition de récidives. Nos résultats ont permis de mettre en évidence des profils d’activité très différents, la rifampicine, l’ofloxacine et la clindamycine étant les molécules les plus actives. Ces données préliminaires doivent toutefois être renforcées par des études pharmacologiques et cliniques plus larges.