Effets secondaires de l’antibiothérapie et pronostic des infections ostéo-articulaires à Staphylococcus aureus sensible à la meticilline: cohorte rétrospective monocentrique

Staphylococcus aureus représente le premier agent étiologique des infections ostéo-articulaires (IOA), engendrant des infections particulièrement difficiles à traiter. Les objectifs de cette étude étaient i) de décrire les effets secondaires de l’antibiothérapie prolongée des IOA à S. aureus, et ii) d’évaluer les facteurs de risque d’échec thérapeutique des infections sans matériel orthopédique. Deux cent patients ont été inclus (124 hommes (62.0%), âge médian 60.8 ans (45.5-74.2)), porteurs d’une arthrite (n=15, 7.5%), ostéite (n=19, 9.5%), spondylodiscite (n=32, 16.0%), ou d’une infection sur matériel orthopédique (n=134, 67.0%), aiguës (n=134, 67.0%) ou chroniques. Après prise en charge chirurgicale dans 164 cas (82.0%), ces patients ont reçu une antibiothérapie pendant 26.6 semaines (16.8-37.8), dont 7.4 semaines (4.9-14.4) par voie intraveineuse. Ce traitement prolongé était justifié par la forte représentation d’IOA difficiles à traiter, incluant des patients avec lourdes comorbidités (47.0% ayant un score de Charlson modifié > 2), fréquemment bactériémiques (63.1%), présentant une fistule (43.4%) et/ou un abcès (39.0%), ou bénéficiant d’une prise en charge chirurgicale conservatrice en cas d’infection sur matériel orthopédique (48.0%). Trente-huit effets secondaire graves liés à l’antibiothérapie ont été relevés chez 30 patients (15.0%), comprenant 10 troubles hématologiques, 9 réactions cutanéo-muqueuses, 6 insuffisances rénales aiguës, 4 hypokaliémies, et 4 hépatites cholestatiques. Les antibiotiques les plus fréquemment incriminés étaient les pénicillines M (13/143 patients), les quinolones (12/187), les glycopeptides (9/101), et la rifampicine (7/107). En analyse multivariée, seul l’âge (OR 1.382 par tranche de 10 ans, p=0.011) apparaissait comme facteur de risque indépendant d’effet secondaire grave aux antistaphylococciques. L’analyse des facteurs de risque de toxicité spécifiques à chaque antibiotique a mis en avant la posologie de pénicilline M (OR 1.028, p=0.014) et l’obésité pour la rifampicine (OR 8.991, p=0.018). Malgré cette antibiothérapie prolongée, 83 patients ont présenté un échec thérapeutique (41.5%) sur une durée de suivi de 85.0 semaines (49.0-154.4). Ce taux était inférieur pour la sous-population des 66 patients avec IOA native, atteignant tout de même 24.2%, chez qui la survenue d’un échec était influencée par les comorbidités, la chronicité, la présence d’une fistule, un recours retardé à une consultation spécialisé, et un retard de négativation de la CRP. En analyse multivariée, l’existence d’une fistule (OR 5.300, p=0.031) et une consultation retardée avec un infectiologue (OR 1.134, p=0.029) était significativement associées à un sur-risque d’échec thérapeutique. Au total, malgré une antibiothérapie prolongée assortie d’un taux élevé d’effets secondaires, les IOA complexes à MSSA sont associées à un fort taux d’échec thérapeutique. Une prise en charge spécialisée précoce paraît primordiale, en étant vigilent aux toxicités médicamenteuses chez les sujets polypathologiques, et en particulier aux doses de pénicillines utilisées, et à l’adaptation posologique de rifampicine chez les patients obèses.